Balade en Forêt
Les chemins
Il y a cette forêt
Avec des chemins
Plein de chemins
Des petits, des gros
Des jolis, des pas très beaux
Des qui serpentent, des qui grimpent
Des qui paraissent sans fin
Il y en a un tout caillouteux
Plein de bosses, plein de malchance
Il endurcit les pieds
Mais il a l’air honnête
Un chemin qui vit la vérité
Même si elle fait mal
Il y en a un près de la rivière
Qui chantonne doucement
Cette musique qu'on a oublié
Et qu'on reconnaît quand même
Un chemin qui rassure
Et qui se souvient
Des moments doux
Des journées pures
Un troisième
Avec des fleurs partout
Des couleurs venues d’ailleurs
Et des arbres en artifice
Il est beau ce chemin là
On ne sait pas si il est vrai
Mais il donne envie d’y croire
Et puis il y a celui-là
L’indigo
Le bizarre
Qui brille un peu mais pas trop
Qui sent la lavande et l’orange
Un chemin qui te regarde
Qui te demande : tu es sûr de toi ?
Et tu ne sais pas répondre
Tu restes là
Au milieu du carrefour
À attendre la voie
Du panneau Devenir
À attendre le choix
Du chapeau qui dit l’avenir
Mais il n’y a pas de panneau
Il n’y a pas de magie
Que des chemins
Pour marcher
Il ne faut pas tout comprendre
Il faut simplement commencer
Un pas devant l’autre
Et enfin
Tu marches
Tu penses
Tu es
Tu te balades
Caillouteux
Je Porte sur mon dos
Analyse LittéraireJe porte sur mon dos
comme un sac de billes troué
l’insouciance du petit moi d’avant
celui qui sautait dans les flaques
comme on saute dans la vie
sans savoir nager
mais avec des ailes plein les pieds
Je porte sur mon dos
le bruit du monde et le pain du jour
un parapluie cassé, un rêve plié
des clés sans serrure
je marche entre deux souffles
ni tout à fait hier, ni déjà demain
et j’ai l’envie, parfois,de m’asseoir juste là
dans un soupir qui ne demande rien
Je porte sur mon dos
un futur en papier mâché
plié dans un coin de cœur
et qui dit
"viens, on recommence tout,
mais cette fois, en prenant le temps"
le temps de sentir l’écorce
de goûter l’eau claire
et de devenir quelqu’un
qui n’a plus besoin de se porter
Millème dernière danse
Analyse LittéraireMillième dernière danse
Ballet des dernières chances
Musée de tes sourires
Théâtre de tes soupires
Échanges qui t'intriguent
Passages qui te fatiguent
Oeillades en clair-obscur
Regards devenus durs
Présence sans contraintes
Absence en demi-teinte
Tu ris toute la nuit
Tu cris sans faire de bruit
Je tends un fil d’argent
Tu t'éloignes doucement
Un souffle entre deux ligne
Un battement qui décline
Et dans ce bal figé
Tu tournes sans bouger
Amnésie
Analyse LittéraireIl y a
dans un coin de la tête
une pièce sans lumière
où dorment
des souvenirs sans nom.
Des mots dits trop tôt
ou pas assez.
Des actes effacés
du bout des lèvres
comme on souffle
sur des braises.
Le sol n’a rien oublié.
Sous les feuilles mortes
poussent encore
les gestes qu’on croyait perdus.
Le corps évite,
l’esprit détourne,
sans savoir pourquoi
mais c’est lui qui choisit
de ne pas savoir.
On oublie
sans oublier
Froide Matinée
Analyse LittéraireIl a ouvert la douche
L’eau a coulé
Il est entré
Sous l’eau tiède
Il s’est lavé
Sans chanter
Il est sorti
Il a pris la serviette
Il s’est essuyé
Sans se presser
Il a mis un jean
Il a mis un pull
Il a noué ses lacets
Il a regardé l’heure
Il a mis son sac
Sur son épaule
Sans rien dire
Sans sourire
Il a ouvert la porte
Il est parti
Un souffle froid
Est entré avec lui
Je suis resté debout
Au milieu de la pièce
Sans bouger
Sans savoir ce que je fais
Mes doigts étaient glacés
Ma gorge serrée
Et dans ma tête
Une brume épaisse
Comme s’il avait emporté
Un morceau de moi
En refermant
Cette porte
Atlas
Analyse LittéraireOn rêve d’être Atlas
de porter le ciel
de plier sous Terre
pour que les autres regardent
on forge des mondes
mirages d’Icare
pour cacher la chute
et l’ombre de Narcisse
le poids invisible
des chaînes de Prométhée
nous brûle les épaules
mais on sourit
héros, sauveur, prisonnier
et sous le globe
la solitude danse
comme une ombre
qu’on ne sauvera jamais
comme le dieu
qu'on ne sera jamais
Rivière
Coquelicot
Analyse LittéraireDans les champs vastes, éclate un feu léger,
Un rouge tendre, fragile et singulier.
Le vent l’effleure, il ploie sans résistance,
Fleur éphémère, d’une douce élégance.
Sa robe vive, comme un cri dans le blé,
Danse sous le ciel, fière et indomptée.
Il ne connaît ni jardin ni clôture,
Libre, il s’épanouit dans la verdure.
Symbole des rêves et des jours passés,
D’une beauté que nul ne peut figer.
Le coquelicot, messager du silence,
Chuchote l’été dans son effervescence.
Sous la rosée, au lever de l’aurore,
Il peint la terre d’un pinceau qui dévore,
Et disparaît, sitôt qu’on le saisit,
L’éclat d’un instant, un murmure, un sursis
Je t'aime musicien
Analyse LittéraireOh oui je t’aime, joli musicien.
Tu m’entends, tu me comprends.
Je t'écris en soupirs,
Tu lis en amoroso,
Douces notes florales.
Tu me libères déja,
De cette étoffe frontière,
Qui sépare ombre et lumière.
Ancolie se déploie toute à toi,
Tu me susurre, tu me défies,
Des mots d’amant, des mots baroques.
Oh oui je t’aime, déroutant musicien.
Tu m’emmènes, me ramènes,
Dans cette forêt tropicale.
Endémique de l’insolite climat,
Tu n’hésites pas à explorer,
Des précipitations, des émotions.
Ton piano est accordé,
La caresse le tempo.
Des ré et mi en contretemps,
Des baisers, un bourgeon, le nectar sucré.
Oh oui je t’aime, grand musicien.
Au sommet du bel arbre
Lilas s’impose, lilas s’expose
Nouvelle idée, nouveau décor
Jeux glacés, été ensoleillé
Je sais ce que tu aimes,
Je sais ce que tu adores.
Grande musique modale,
Du santour oriental.
Oh oui je t’aime, jeune musicien.
Tu as entamé la symphonie,
Une randonnée de longue durée.
Dans mon esprit tout divague,
Je me perds dans tes yeux.
Tu me noies dans une vague,
De moments si délicieux.
Clé de do, les lignes se courbent,
Les jeux sont faits sur les cinq traits.
Oh oui je t’aime, vaillant musicien.
Tu me fais chanter, tu me fais danser,
Tronc éprouvé, folie volontaire.
Notes rebelles, toujours maîtrisé,
Cadence finale ne saurait me taire.
Je chante “donne moi”
, je danse l’infini,
Tu chantes coda, tu danses la vie.
Il est temps de te libérer, te délivrer,
Exaltée, je t'offre ces paroles sacrées.
Je t’aime musicien.
Si belle
Analyse LittéraireSi belle,
Dans la forêt
Dans la clairière
Venus jalouse la sphère
Si belle
Au bord du lac
Au bord du ruisseau
Neptune murmure la Terre
Si belle
Sur la plaine
Sur la montagne
Mercure sillonne le globe
Si belle
A l’aube
Au crépuscule
Aurora dévoile le monde
Si belle
Pour la paix
Pour la faucheuse
Mors remercie la planète
Si belle
Tu as intrigué
Toutes les divinités
Que Caelus et Terra
Ne sauraient inventer
Arbre
Évolue
Prouesse
Maladresse
Avec le sens
De l’aucun sens
Une branche imparfaite
Un feuillage agité
Un acer rougeoyant
La brise du vent
Vient s’enlacer
Élancé
Ancré
Alme
Tronc
Enraciné
Vitalité demeure
Dans sa grande splendeur
Nouveau Frisson
Analyse LittéraireOn a couru
On va marcher
Seulement pour s’éloigner
Simplement pour s’approcher
Crainte d’un pas trop vite
Doux et chaud s’invitent
Questions qui s’entrelacent,
Réponses qui s’embrassent,
Ombres de nos silences,
Clartés de la présence,
Doutes qui se dénudent,
Promesse de l’habitude
Un pas dans l’incertain,
Un sourire dans la main,
Dans ce jeu léger,
On apprend à s’aimer.
Elle existe
Analyse LittéraireL’air
La lumière
Le murmure plus clair du vent
Une odeur plus sèche, presque florale
Le vert se fait moins dense
L’immensité se fend
Là-bas
Entre deux arbres
Trop droits pour être naturels
un vide
Un soupçon d’espace
Mes yeux plissent
Mon souffle se suspend
Est-ce… ?
Un éclat
Une ligne plus claire, presque dorée
La forêt s’ouvre, pas encore
Juste une faille
Une invitation
Je ne suis pas encore arrivé
Mais je l’ai vue
La clairière existe
Artifice
Dangereux Mirroir
Analyse LittéraireOn marchait
depuis longtemps
la forêt derrière
la fatigue devant
et puis soudain
entre deux arbres bien polis
un trou dans le vert
un genre de lumière
un genre de promesse
Alors on s’est dit
tiens
voilà la clairière
l’endroit qu’on attendait
l’endroit qu’on espérait
l’oasis dans le bois
le repos de la balade
On a cligné des yeux
on a rêvé tout haut
on a collé des images
des fleurs sur les pierres
des rires sur le vent
on a repeint le monde
et dessiné l'orée
Et puis on y a cru
c’est ça le pire
on y a cru, vraiment
On a inventé une maison
avec des murs en vert
et des fenêtre
ouvertes sur rien
un feu de camp
avec des souvenirs
et un avenir
avec du vide
Et la clairière ?
Elle brillait toujours
mais un peu moins
On a regardé
Dans nos pupilles
c’était pas la forêt
c’était un rêve
Joli et fabriqué
Un reflet
pas la réalité
juste un miroir
un dangereux miroir
où l’on voit ce qu’on veut
et jamais ce qui est.
Etrange Harmonie
Analyse LittéraireDans la forêt
les arbres ne parlent pas
mais ils écoutent
le chêne est solide
le bouleau est blanc
le frêne un peu tordu
et alors ?
personne ne rit
personne ne compare
chacun pousse comme il peut
comme il veut
les racines se croisent
les branches s’évitent
ou s’enlacent
sans drame
sans discours
c’est ça
la paix
la vraie
et pendant ce temps-là
l’homme
taille ses voisins
pour qu’ils lui ressemblent
Le Fauteuil
Analyse LittéraireIl me faut
Ce que je sais déjà
Pas l’exploit
Le risque
Le cœur neuf
Non
La petite trahison
Que je pourrai nommer :
Ah, c’est ça
Le défaut qu'on a mis
Sur la liste des courses
Le mauvais pli du caractère
Que l’on peut repasser
Pour en faire
Un oreiller
Car les inconnus
Celui qui se lève le matin
Celle qui tente une autre histoire
Ils nous fatiguent
Ils nous demandent d’être
Meilleur
On veut
Le confort douillet
De ta misère exacte
Pour être sûr
Qu’il n’y aura
Rien à changer
Obséquisité
Analyse LittéraireSi longtemps j'ai couru, pour des yeux éphémères
Vers l’aliénation et ses chaînes amères
Obséquiosité, mon corps frêle et servile
Je fuyais mon reflet, mon essence fragile
Je bâtissais des cieux faits de douces chimères
Sans voir qu’elles mentaient, ces étoiles populaires
Chaque jour effaçait, tel un palimpseste
Ce que j’étais pour plaire au moindre geste
L’éclat d’une vanité vide et sans saveur
Me guidait loin de moi, me rongeait le cœur
Sous l’injonction des voix, je portais un costume
Un simulacre vain dans un monde posthume
Puis j’ai quitté la ville et ses masques polis
Je suis parti marcher parmi les chants de lys
La forêt m’enlaçait de sa paix millénaire
Et j’entendais le vent murmurer : « Vis sincère »
Chaque pas effaçait un fardeau de mon dos
Chaque arbre était témoin, chaque mousse un écho
Loin des juges absents, des regards en trophée
Je trouvais, sous les feuilles, ma propre marée
Dans ce courant de pensées
Ruisselle cette idée
Que l’être naît là où le paraître meurt
La première clé de mon bonheur
Quart
Analyse LittéraireQuart du bureau
Qui porte la cravate
Des idées plein la tête
Il se dessine comme un carré
Il danse un bal masqué
Mais il ne rit pas
Quart de la maison
Celui qui mets un pyjama
Et qui raconte des histoires
Il n'est pas pareil
Il est moins droit
Parfois de travers
Mais il est entier
Quart de l'amour
Qui s'habille comme une moitié
Un étrange jardin décoré
Ou s'enflamment les coquelicots
Ou s'installent nos jolis mots
Les haies taillées en harmonie
Bordent ce chemin de la vie
Mais il est plein de détours
Quart des amis
Vêtu de couleurs et chaleur
Il se partage sans compter
Un quart pour moi, un quart pour toi
Et le reste pour la joie
Un insipide buffet
Ou l'on mange des repas en étoile
Mais difficile à dénicher
Le marché du temps
Analyse LittéraireJe suis allé au marché du temps
J’ai demandé la femme parfaite
On m’a tendu un miroir
Vide
Je suis allé au marché du temps
J’ai commandé un dimanche
Pique-nique, rires, forêt
Personne en vue
Je suis allé au marché du temps
J’ai vu une danse au bord d’un lac
C’était nous
Mais c’était trop tard
Je suis allé au marché du temps
J’ai payé très cher
Un moment qui n’existe
Seulement pour y croire
Je suis allé au marché du temps
Et j’ai compris
Qu’elle vivait
dans aucun demain
Le marché du temps ne vend rien,
Il grave des ombres sur les lendemains.
Indigo
Dans le silence…
un petit bruit
Pas celui des horloges
pas celui des trains
un bruit qu’on connaît pas
mais qui connaît bien nos mains
L’écho résonne
Pas celui des montagnes, non
L’autre
Celui qu’on planque sous le lit
avec les rêves trop grands
et les cauchemars pas finis.
Il dit rien de spécial,
mais il dit tout quand même.
Il parle comme un vieil ami
qu’on n’a jamais vu
mais qui nous serre fort
quand on a froid dans le dos.
L’écho rigole.
Pas méchant, non.
Juste un peu moqueur,
comme un enfant
qui sait que les grands font semblant.
C’est ce qu’on dit quand on ne sait pas
Ou quand on sait trop bien
le silence entre deux éclats
le vide entre les mains
C'est le bruit que fait
la neige en tombant
Et le cœur qui s'arrête
de battre un instant
C'est le silence des amoureux
qui n'ont plus rien à se dire
et qui se comprennent à merveille
C'est quand on vous demande
Qu'est-ce que tu penses de moi
et qu'on répond Rien
alors qu'on pense
Tout
C'est l’inanité de la tête
quand on cherche une idée
Notre esprit qui éclaire
le néant plein d'espoir
C'est le grand Zéro
qui fait la ronde avec l'infini.
Et l'existence du verre d'eau
À moitié rempli
Rien
C'est une page
vide de mot
Mais pleine de sens
Le destin
Analyse LittéraireC’est comme un caillou qu’on n’a pas vu
Dans la chaussure du temps qui passe.
On marche, on boite, on s’agace,
On pense : « C’est la vie, c’est le Ciel qui veut »
Alors qu’il suffisait d’enlever le caillou.
C’est bête, non ?
Grand-père aurait dit :
« Les gens attendent le grand vent,
Mais c’est une paille dans l’œil
Qui les fait pleurer. »
Et le Prophète,
Celui qui creuse le mot comme un puits,
Il sait que ce caillou, ce n’est pas le hasard,
C’est l’absence logée au creux de la présence,
L’ombre de la vérité que l'on n'a pas nommée.
Le grain de sable que l’on devait écraser
Pour sentir enfin la Mer.
Moi moi je pense, voyez-vous
Que le Destin
C’est juste un mot en majuscules
Écrit sur un mur.
Et les murs,
C’est fait pour être peinturluré
Ou, si l’on a le courage,
Démoli à coups de pied.
Femme Vingt-Vins
Analyse LittéraireElle a l'air de rien
Elle a l'air de tout
La femme vingt-vins
Avec son sac à dos
Et ses idées dans la tête
Une bouteille qu'on n'ouvre pas
Comme ça
Elle est forte
Comme ce rouge de la cave
Qui a vu le soleil et la pluie
Et qui attend
Qu'on lui fiche la paix
Pour parler
Elle est douce
Dans le creux de la journée
Une gorgée de Sauternes
Juste après la mauvaise nouvelle
Le vin de consolation
Qu'on boit sans le dire
Elle est réfléchie
À table, au théâtre
Ses notes sont des questions
Des arômes de cuir et d'encre
Qui se boivent mille fois
Pour comprendre pourquoi
Elle est jolie bien sûr
Millésime de son présent
Mais pas le genre d'étiquette
Un vin de pays qui surprend
Qui n'a pas besoin de médaille
Pour qu'on dise
Tiens, celui-là, il est super
Elle est là
Elle n'attend personne
Elle sait que le bouchon de liège
C'est elle qui le saute
Et que l'ivresse
C'est pour après
C'est pour demain.
Dans son verre, il y a la vie
Et puis c'est tout