Balade en Forêt

Se promener, en forêt, c'est entrer dans un monde liminal.

Un monde où le silence chante une rhapsodie.

On croit marcher dans le bois, et on se retrouve à avancer en soi.

Les sentiers, sinueux ou luxuriant, ne sont jamais seulement des chemins pour nos pas.

Ils ressemblent aux détours de nos pensées, aux croisées de nos souvenirs, aux éclats de nos rêves.

Parfois, on marche seul.

Et la solitude devient un compagnon discret, qui nous souffle des questions au creux de l'oreille

Parfois, on marche à deux.

Et alors, la parole devient feuillage,
elle danse, elle s'efface, elle renaît

Ce recueil n'est pas une carte.
C'est une forêt.

Avec ses clairières chimérique et ses ombres en demi-teinte.

Avec ses chemins qui ne mènent nulle part et ceux qui mènent partout.

Et si vous vous perdez, tant mieux

Car se perdre, parfois, c'est déjà trouver

Les chemins

Il y a cette forêt

Avec des chemins

Plein de chemins

Des petits, des gros

Des jolis, des pas très beaux

Des qui serpentent, des qui grimpent

Des qui paraissent sans fin

Il y en a un tout caillouteux

Plein de bosses, plein de malchance

Il endurcit les pieds

Mais il a l’air honnête

Un chemin qui vit la vérité

Même si elle fait mal

Il y en a un près de la rivière

Qui chantonne doucement

Cette musique qu'on a oublié

Et qu'on reconnaît quand même

Un chemin qui rassure

Et qui se souvient

Des moments doux

Des journées pures

Un troisième

Avec des fleurs partout

Des couleurs venues d’ailleurs

Et des arbres en artifice

Il est beau ce chemin là

On ne sait pas si il est vrai

Mais il donne envie d’y croire

Et puis il y a celui-là

L’indigo

Le bizarre

Qui brille un peu mais pas trop

Qui sent la lavande et l’orange

Un chemin qui te regarde

Qui te demande : tu es sûr de toi ?

Et tu ne sais pas répondre

Tu restes là

Au milieu du carrefour

À attendre la voie

Du panneau Devenir

À attendre le choix

Du chapeau qui dit l’avenir

Mais il n’y a pas de panneau

Il n’y a pas de magie

Que des chemins

Pour marcher

Il ne faut pas tout comprendre

Il faut simplement commencer

Un pas devant l’autre

Et enfin

Tu marches

Tu penses

Tu es

Tu te balades

Caillouteux

Je Porte sur mon dos

Analyse Littéraire

Je porte sur mon dos

comme un sac de billes troué

l’insouciance du petit moi d’avant

celui qui sautait dans les flaques

comme on saute dans la vie

sans savoir nager

mais avec des ailes plein les pieds

Je porte sur mon dos

le bruit du monde et le pain du jour

un parapluie cassé, un rêve plié

des clés sans serrure

je marche entre deux souffles

ni tout à fait hier, ni déjà demain

et j’ai l’envie, parfois,de m’asseoir juste là

dans un soupir qui ne demande rien

Je porte sur mon dos

un futur en papier mâché

plié dans un coin de cœur

et qui dit

"viens, on recommence tout,

mais cette fois, en prenant le temps"

le temps de sentir l’écorce

de goûter l’eau claire

et de devenir quelqu’un

qui n’a plus besoin de se porter

Millème dernière danse

Analyse Littéraire

Millième dernière danse

Ballet des dernières chances

Musée de tes sourires

Théâtre de tes soupires

Échanges qui t'intriguent

Passages qui te fatiguent

Oeillades en clair-obscur

Regards devenus durs

Présence sans contraintes

Absence en demi-teinte

Tu ris toute la nuit

Tu cris sans faire de bruit

Je tends un fil d’argent

Tu t'éloignes doucement

Un souffle entre deux ligne

Un battement qui décline

Et dans ce bal figé

Tu tournes sans bouger

Il y a

dans un coin de la tête

une pièce sans lumière

où dorment

des souvenirs sans nom.

Des mots dits trop tôt

ou pas assez.

Des actes effacés

du bout des lèvres

comme on souffle

sur des braises.

Le sol n’a rien oublié.

Sous les feuilles mortes

poussent encore

les gestes qu’on croyait perdus.

Le corps évite,

l’esprit détourne,

sans savoir pourquoi

mais c’est lui qui choisit

de ne pas savoir.

On oublie

sans oublier

Froide Matinée

Analyse Littéraire

Il a ouvert la douche

L’eau a coulé

Il est entré

Sous l’eau tiède

Il s’est lavé

Sans chanter

Il est sorti

Il a pris la serviette

Il s’est essuyé

Sans se presser

Il a mis un jean

Il a mis un pull

Il a noué ses lacets

Il a regardé l’heure

Il a mis son sac

Sur son épaule

Sans rien dire

Sans sourire

Il a ouvert la porte

Il est parti

Un souffle froid

Est entré avec lui

Je suis resté debout

Au milieu de la pièce

Sans bouger

Sans savoir ce que je fais

Mes doigts étaient glacés

Ma gorge serrée

Et dans ma tête

Une brume épaisse

Comme s’il avait emporté

Un morceau de moi

En refermant

Cette porte

On rêve d’être Atlas

de porter le ciel

de plier sous Terre

pour que les autres regardent

on forge des mondes

mirages d’Icare

pour cacher la chute

et l’ombre de Narcisse

le poids invisible

des chaînes de Prométhée

nous brûle les épaules

mais on sourit

héros, sauveur, prisonnier

et sous le globe

la solitude danse

comme une ombre

qu’on ne sauvera jamais

comme le dieu

qu'on ne sera jamais

Rivière

Dans les champs vastes, éclate un feu léger,

Un rouge tendre, fragile et singulier.

Le vent l’effleure, il ploie sans résistance,

Fleur éphémère, d’une douce élégance.

Sa robe vive, comme un cri dans le blé,

Danse sous le ciel, fière et indomptée.

Il ne connaît ni jardin ni clôture,

Libre, il s’épanouit dans la verdure.

Symbole des rêves et des jours passés,

D’une beauté que nul ne peut figer.

Le coquelicot, messager du silence,

Chuchote l’été dans son effervescence.

Sous la rosée, au lever de l’aurore,

Il peint la terre d’un pinceau qui dévore,

Et disparaît, sitôt qu’on le saisit,

L’éclat d’un instant, un murmure, un sursis

Je t'aime musicien

Analyse Littéraire

Oh oui je t’aime, joli musicien.

Tu m’entends, tu me comprends.

Je t'écris en soupirs,

Tu lis en amoroso,

Douces notes florales.

Tu me libères déja,

De cette étoffe frontière,

Qui sépare ombre et lumière.

Ancolie se déploie toute à toi,

Tu me susurre, tu me défies,

Des mots d’amant, des mots baroques.

Oh oui je t’aime, déroutant musicien.

Tu m’emmènes, me ramènes,

Dans cette forêt tropicale.

Endémique de l’insolite climat,

Tu n’hésites pas à explorer,

Des précipitations, des émotions.

Ton piano est accordé,

La caresse le tempo.

Des ré et mi en contretemps,

Des baisers, un bourgeon, le nectar sucré.

Oh oui je t’aime, grand musicien.

Au sommet du bel arbre

Lilas s’impose, lilas s’expose

Nouvelle idée, nouveau décor

Jeux glacés, été ensoleillé

Je sais ce que tu aimes,

Je sais ce que tu adores.

Grande musique modale,

Du santour oriental.

Oh oui je t’aime, jeune musicien.

Tu as entamé la symphonie,

Une randonnée de longue durée.

Dans mon esprit tout divague,

Je me perds dans tes yeux.

Tu me noies dans une vague,

De moments si délicieux.

Clé de do, les lignes se courbent,

Les jeux sont faits sur les cinq traits.

Oh oui je t’aime, vaillant musicien.

Tu me fais chanter, tu me fais danser,

Tronc éprouvé, folie volontaire.

Notes rebelles, toujours maîtrisé,

Cadence finale ne saurait me taire.

Je chante “donne moi”

, je danse l’infini,

Tu chantes coda, tu danses la vie.

Il est temps de te libérer, te délivrer,

Exaltée, je t'offre ces paroles sacrées.

Je t’aime musicien.

Si belle,

Dans la forêt

Dans la clairière

Venus jalouse la sphère

Si belle

Au bord du lac

Au bord du ruisseau

Neptune murmure la Terre

Si belle

Sur la plaine

Sur la montagne

Mercure sillonne le globe

Si belle

A l’aube

Au crépuscule

Aurora dévoile le monde

Si belle

Pour la paix

Pour la faucheuse

Mors remercie la planète

Si belle

Tu as intrigué

Toutes les divinités

Que Caelus et Terra

Ne sauraient inventer

Arbre

Évolue

Prouesse

Maladresse

Avec le sens

De l’aucun sens

Une branche imparfaite

Un feuillage agité

Un acer rougeoyant

La brise du vent

Vient s’enlacer

Élancé

Ancré

Alme

Tronc

Enraciné

Vitalité demeure

Dans sa grande splendeur

Nouveau Frisson

Analyse Littéraire

On a couru

On va marcher

Seulement pour s’éloigner

Simplement pour s’approcher

Crainte d’un pas trop vite

Doux et chaud s’invitent

Questions qui s’entrelacent,

Réponses qui s’embrassent,

Ombres de nos silences,

Clartés de la présence,

Doutes qui se dénudent,

Promesse de l’habitude

Un pas dans l’incertain,

Un sourire dans la main,

Dans ce jeu léger,

On apprend à s’aimer.

L’air

La lumière

Le murmure plus clair du vent

Une odeur plus sèche, presque florale

Le vert se fait moins dense

L’immensité se fend

Là-bas

Entre deux arbres

Trop droits pour être naturels

un vide

Un soupçon d’espace

Mes yeux plissent

Mon souffle se suspend

Est-ce… ?

Un éclat

Une ligne plus claire, presque dorée

La forêt s’ouvre, pas encore

Juste une faille

Une invitation

Je ne suis pas encore arrivé

Mais je l’ai vue

La clairière existe

Artifice

Dangereux Mirroir

Analyse Littéraire

On marchait

depuis longtemps

la forêt derrière

la fatigue devant

et puis soudain

entre deux arbres bien polis

un trou dans le vert

un genre de lumière

un genre de promesse

Alors on s’est dit

tiens

voilà la clairière

l’endroit qu’on attendait

l’endroit qu’on espérait

l’oasis dans le bois

le repos de la balade

On a cligné des yeux

on a rêvé tout haut

on a collé des images

des fleurs sur les pierres

des rires sur le vent

on a repeint le monde

et dessiné l'orée

Et puis on y a cru

c’est ça le pire

on y a cru, vraiment

On a inventé une maison

avec des murs en vert

et des fenêtre

ouvertes sur rien

un feu de camp

avec des souvenirs

et un avenir

avec du vide

Et la clairière ?

Elle brillait toujours

mais un peu moins

On a regardé

Dans nos pupilles

c’était pas la forêt

c’était un rêve

Joli et fabriqué

Un reflet

pas la réalité

juste un miroir

un dangereux miroir

où l’on voit ce qu’on veut

et jamais ce qui est.

Etrange Harmonie

Analyse Littéraire

Dans la forêt

les arbres ne parlent pas

mais ils écoutent

le chêne est solide

le bouleau est blanc

le frêne un peu tordu

et alors ?

personne ne rit

personne ne compare

chacun pousse comme il peut

comme il veut

les racines se croisent

les branches s’évitent

ou s’enlacent

sans drame

sans discours

c’est ça

la paix

la vraie

et pendant ce temps-là

l’homme

taille ses voisins

pour qu’ils lui ressemblent

Il me faut

Ce que je sais déjà

Pas l’exploit

Le risque

Le cœur neuf

Non

La petite trahison

Que je pourrai nommer :

Ah, c’est ça

Le défaut qu'on a mis

Sur la liste des courses

Le mauvais pli du caractère

Que l’on peut repasser

Pour en faire

Un oreiller

Car les inconnus

Celui qui se lève le matin

Celle qui tente une autre histoire

Ils nous fatiguent

Ils nous demandent d’être

Meilleur

On veut

Le confort douillet

De ta misère exacte

Pour être sûr

Qu’il n’y aura

Rien à changer

Obséquisité

Analyse Littéraire

Si longtemps j'ai couru, pour des yeux éphémères

Vers l’aliénation et ses chaînes amères

Obséquiosité, mon corps frêle et servile

Je fuyais mon reflet, mon essence fragile

Je bâtissais des cieux faits de douces chimères

Sans voir qu’elles mentaient, ces étoiles populaires

Chaque jour effaçait, tel un palimpseste

Ce que j’étais pour plaire au moindre geste

L’éclat d’une vanité vide et sans saveur

Me guidait loin de moi, me rongeait le cœur

Sous l’injonction des voix, je portais un costume

Un simulacre vain dans un monde posthume

Puis j’ai quitté la ville et ses masques polis

Je suis parti marcher parmi les chants de lys

La forêt m’enlaçait de sa paix millénaire

Et j’entendais le vent murmurer : « Vis sincère »

Chaque pas effaçait un fardeau de mon dos

Chaque arbre était témoin, chaque mousse un écho

Loin des juges absents, des regards en trophée

Je trouvais, sous les feuilles, ma propre marée

Dans ce courant de pensées

Ruisselle cette idée

Que l’être naît là où le paraître meurt

La première clé de mon bonheur

Quart du bureau

Qui porte la cravate

Des idées plein la tête

Il se dessine comme un carré

Il danse un bal masqué

Mais il ne rit pas

Quart de la maison

Celui qui mets un pyjama

Et qui raconte des histoires

Il n'est pas pareil

Il est moins droit

Parfois de travers

Mais il est entier

Quart de l'amour

Qui s'habille comme une moitié

Un étrange jardin décoré

Ou s'enflamment les coquelicots

Ou s'installent nos jolis mots

Les haies taillées en harmonie

Bordent ce chemin de la vie

Mais il est plein de détours

Quart des amis

Vêtu de couleurs et chaleur

Il se partage sans compter

Un quart pour moi, un quart pour toi

Et le reste pour la joie

Un insipide buffet

Ou l'on mange des repas en étoile

Mais difficile à dénicher

Le marché du temps

Analyse Littéraire

Je suis allé au marché du temps

J’ai demandé la femme parfaite

On m’a tendu un miroir

Vide

Je suis allé au marché du temps

J’ai commandé un dimanche

Pique-nique, rires, forêt

Personne en vue

Je suis allé au marché du temps

J’ai vu une danse au bord d’un lac

C’était nous

Mais c’était trop tard

Je suis allé au marché du temps

J’ai payé très cher

Un moment qui n’existe

Seulement pour y croire

Je suis allé au marché du temps

Et j’ai compris

Qu’elle vivait

dans aucun demain

Le marché du temps ne vend rien,

Il grave des ombres sur les lendemains.

Indigo

Dans le silence…

un petit bruit

Pas celui des horloges

pas celui des trains

un bruit qu’on connaît pas

mais qui connaît bien nos mains

L’écho résonne

Pas celui des montagnes, non

L’autre

Celui qu’on planque sous le lit

avec les rêves trop grands

et les cauchemars pas finis.

Il dit rien de spécial,

mais il dit tout quand même.

Il parle comme un vieil ami

qu’on n’a jamais vu

mais qui nous serre fort

quand on a froid dans le dos.

L’écho rigole.

Pas méchant, non.

Juste un peu moqueur,

comme un enfant

qui sait que les grands font semblant.

C’est ce qu’on dit quand on ne sait pas

Ou quand on sait trop bien

le silence entre deux éclats

le vide entre les mains

C'est le bruit que fait

la neige en tombant

Et le cœur qui s'arrête

de battre un instant

C'est le silence des amoureux

qui n'ont plus rien à se dire

et qui se comprennent à merveille

C'est quand on vous demande

Qu'est-ce que tu penses de moi

et qu'on répond Rien

alors qu'on pense

Tout

C'est l’inanité de la tête

quand on cherche une idée

Notre esprit qui éclaire

le néant plein d'espoir

C'est le grand Zéro

qui fait la ronde avec l'infini.

Et l'existence du verre d'eau

À moitié rempli

Rien

C'est une page

vide de mot

Mais pleine de sens

C’est comme un caillou qu’on n’a pas vu

Dans la chaussure du temps qui passe.

On marche, on boite, on s’agace,

On pense : « C’est la vie, c’est le Ciel qui veut »

Alors qu’il suffisait d’enlever le caillou.

C’est bête, non ?

Grand-père aurait dit :

« Les gens attendent le grand vent,

Mais c’est une paille dans l’œil

Qui les fait pleurer. »

Et le Prophète,

Celui qui creuse le mot comme un puits,

Il sait que ce caillou, ce n’est pas le hasard,

C’est l’absence logée au creux de la présence,

L’ombre de la vérité que l'on n'a pas nommée.

Le grain de sable que l’on devait écraser

Pour sentir enfin la Mer.

Moi moi je pense, voyez-vous

Que le Destin

C’est juste un mot en majuscules

Écrit sur un mur.

Et les murs,

C’est fait pour être peinturluré

Ou, si l’on a le courage,

Démoli à coups de pied.

Femme Vingt-Vins

Analyse Littéraire

Elle a l'air de rien

Elle a l'air de tout

La femme vingt-vins

Avec son sac à dos

Et ses idées dans la tête

Une bouteille qu'on n'ouvre pas

Comme ça

Elle est forte

Comme ce rouge de la cave

Qui a vu le soleil et la pluie

Et qui attend

Qu'on lui fiche la paix

Pour parler

Elle est douce

Dans le creux de la journée

Une gorgée de Sauternes

Juste après la mauvaise nouvelle

Le vin de consolation

Qu'on boit sans le dire

Elle est réfléchie

À table, au théâtre

Ses notes sont des questions

Des arômes de cuir et d'encre

Qui se boivent mille fois

Pour comprendre pourquoi

Elle est jolie bien sûr

Millésime de son présent

Mais pas le genre d'étiquette

Un vin de pays qui surprend

Qui n'a pas besoin de médaille

Pour qu'on dise

Tiens, celui-là, il est super

Elle est là

Elle n'attend personne

Elle sait que le bouchon de liège

C'est elle qui le saute

Et que l'ivresse

C'est pour après

C'est pour demain.

Dans son verre, il y a la vie

Et puis c'est tout