Le destin

C’est comme un caillou qu’on n’a pas vu

Dans la chaussure du temps qui passe.

On marche, on boite, on s’agace,

On pense : « C’est la vie, c’est le Ciel qui veut »

Alors qu’il suffisait d’enlever le caillou.

C’est bête, non ?

Grand-père aurait dit :

« Les gens attendent le grand vent,

Mais c’est une paille dans l’œil

Qui les fait pleurer. »

Et le Prophète,

Celui qui creuse le mot comme un puits,

Il sait que ce caillou, ce n’est pas le hasard,

C’est l’absence logée au creux de la présence,

L’ombre de la vérité que l'on n'a pas nommée.

Le grain de sable que l’on devait écraser

Pour sentir enfin la Mer.

Moi moi je pense, voyez-vous

Que le Destin

C’est juste un mot en majuscules

Écrit sur un mur.

Et les murs,

C’est fait pour être peinturluré

Ou, si l’on a le courage,

Démoli à coups de pied.

Introduction

Ce poème explore la notion de destin à travers des images simples et concrètes, tout en questionnant la gravité que l’on prête aux événements de la vie. L’atmosphère est à la fois ironique et philosophique, mêlant humour, sagesse populaire et méditation sur le libre arbitre. Le destin n’est plus une force écrasante mais un caillou à déplacer, symbole de la petitesse des obstacles apparents face à notre perception.

Axes thématiques

Le texte développe plusieurs thèmes majeurs.

  • La perception et l’importance relative des obstacles : le caillou dans la chaussure symbolise les petits désagréments que l’on magnifie, alors que la vraie vie pourrait être plus simple si l’on agissait.
  • La sagesse populaire et la réflexion spirituelle : les paroles du grand-père et du Prophète introduisent des voix de prudence et de lucidité, rappelant que le destin n’est pas nécessairement grandiose mais souvent discret et subtil.
  • L’illusion du destin : le poème oppose l’idée de grand destin au réel quotidien, suggérant que ce que l’on nomme destin peut être abordé avec humour et action, plutôt que fatalité.
  • La liberté et l’action : l’idée de « démolir les murs à coups de pied » ou de repeindre ce qui semble figé illustre le pouvoir de choix et d’intervention personnelle dans sa propre vie.

Écriture et musicalité

L’écriture combine le registre familier et la réflexion poétique, alternant phrases courtes et longues pour reproduire le rythme de la pensée et de la marche. Les images sont concrètes et sensorielles — chaussure du temps, paille dans l’œil, caillou — donnant force et humour au texte.

La musicalité naît de l’alternance entre narration directe et réflexion méditative, ainsi que de répétitions et de parallélismes, qui renforcent la dimension orale et familière du poème.

Lecture sensible

La lecture produit un mélange d’amusement, de lucidité et de réconfort. Le lecteur reconnaît les petites frustrations de la vie et est invité à les relativiser, à voir le destin moins comme un fardeau et plus comme un jeu où l’action personnelle compte davantage que la fatalité.

Conclusion

Ce poème transforme la notion de destin en expérience concrète et maniable. Par ses images simples, son humour subtil et sa réflexion lucide, il invite à relativiser les obstacles et à exercer sa liberté, rappelant que la vie se façonne davantage par nos gestes que par un mot écrit en majuscules sur un mur.