Rien

C’est ce qu’on dit quand on ne sait pas

Ou quand on sait trop bien

le silence entre deux éclats

le vide entre les mains

C'est le bruit que fait

la neige en tombant

Et le cœur qui s'arrête

de battre un instant

C'est le silence des amoureux

qui n'ont plus rien à se dire

et qui se comprennent à merveille

C'est quand on vous demande

Qu'est-ce que tu penses de moi

et qu'on répond Rien

alors qu'on pense

Tout

C'est l’inanité de la tête

quand on cherche une idée

Notre esprit qui éclaire

le néant plein d'espoir

C'est le grand Zéro

qui fait la ronde avec l'infini.

Et l'existence du verre d'eau

À moitié rempli

Rien

C'est une page

vide de mot

Mais pleine de sens

Introduction

Ce poème explore la notion de « rien » comme espace de silence, de réflexion et de potentiel. L’atmosphère est à la fois contemplative et paradoxale, mêlant vide et plénitude, absence et intensité. Le texte transforme le concept abstrait de « rien » en expérience sensorielle et émotionnelle, riche de significations implicites.

Axes thématiques

Le texte développe plusieurs thèmes essentiels.

  • Le silence et l’inaction : le « rien » se manifeste dans les silences entre deux éclats, les moments d’arrêt du cœur ou les réponses évasives, traduisant la puissance expressive de ce qui n’est pas dit.
  • Le vide porteur de sens : ce vide n’est pas négatif mais créatif : il est « plein d’espoir » et peut contenir autant de signification que l’action ou la parole.
  • La compréhension et l’intimité : le silence partagé entre amoureux montre que le « rien » peut être vecteur de lien et de complicité, révélant que l’absence de mots n’équivaut pas à l’absence de sens.
  • Le paradoxe de l’existence : le poème joue avec l’idée que le « grand Zéro » dialogue avec l’infini, et que même un objet quotidien comme un verre d’eau à moitié rempli incarne ce double aspect de vide et de plénitude.

Écriture et musicalité

L’écriture est fluide et fragmentée, alternant phrases courtes et enjambements qui reflètent le flottement et la suspension inhérents au « rien ». Les images sont simples mais frappantes : la neige en tombant, le silence des amoureux, une page vide de mot.

La musicalité repose sur le rythme naturel de la lecture à voix basse, ponctuée de silences implicites qui renforcent l’effet contemplatif. La répétition de « C’est » au début de chaque description crée un motif incantatoire, qui confère au texte une forme d’onde, presque méditative.

Lecture sensible

La lecture suscite un mélange de calme, de surprise et de réflexion. Le lecteur prend conscience que le « rien » peut contenir une intensité émotionnelle et intellectuelle, qu’il s’agisse d’un silence, d’une absence ou d’un espace de potentialité. Le poème rend palpable la richesse du vide et la profondeur des moments où « tout » se trouve dans l’absence apparente.

Conclusion

Ce poème transforme le « rien » en expérience poétique et philosophique. Par ses images concrètes et sa musicalité subtile, il montre que le vide, le silence et l’absence ne sont pas des manques mais des espaces de sens, capables de contenir l’infini et de révéler l’essence même de l’existence.